COPYRIGHTS LA LETTRE A – Engagé dans la délicate préparation de la scission d’Atos, l’état-major présidé par Bertrand Meunier a toujours été soucieux de mettre la CFDT, première organisation syndicale du groupe, dans sa poche. En interne, l’accélération de carrière d’une représentante de la confédération suscite interrogations et attaques personnelles à son encontre.
Projet de scission âprement chahuté, marchés dans l’attente d’un investisseur providentiel… le groupe Atos doit aussi composer avec un climat particulièrement tendu au sein de ses instances syndicales. Depuis une semaine, un mail anonyme parvenu à une cinquantaine de dirigeants, de Philippe Oliva (co-CEO) à Yannick Tricaud (vice-président), en passant par Sylvie Verstraeten (DRH pour la zone Europe du Sud), jusqu’à la direction de la compliance du groupe, suscite une réelle agitation. La missive a été envoyée depuis une messagerie Protonmail, dont les serveurs sont basés en Suisse.
Simple vengeance personnelle ou règlement de comptes au sein de l’intersyndicale ? Consulté par La Lettre A, ce courriel, intitulé « Lanceur d’alerte – Aliagate », cible explicitement la coordinatrice CFDT chez Atos, Alia Iassamen. Dans un contexte de vives rivalités entre représentants du personnel, il pointe une proximité croissante, depuis deux ans, entre cette dernière et la direction. Son auteur impute à cette cadre syndicale un glissement de la CFDT vers des positions plus conciliantes avec la direction, une critique déjà portée en interne par ses rivaux depuis plusieurs mois.
En réaction à ces attaques, Alia Iassamen a dénoncé, dans un mail adressé à ses collègues, « des ennemis qui sont prêts à tout pour nous nuire personnellement et collectivement […]. C’est la saison 4 ou 5 de la série Netflix qui se poursuit ». Elle envisage par ailleurs de porter plainte contre X pour diffamation. La direction d’Atos n’a pas encore souhaité commenter ni préciser si elle envisageait une action juridique.
Une promotion fulgurante
Si le mail témoigne surtout des relations à couteaux tirés entre les représentants des salariés et qu’il contient des accusations relevant du procès d’intention, plusieurs éléments pointant une accélération de carrière d’Alia Iassamen ont eu un large écho au sein du groupe. Une série d’indices recueillis par La Lettre A montrent que la coordinatrice CFDT a en effet bénéficié d’une ascension professionnelle fulgurante depuis 2021. Elle a ainsi été nommée « client partner » sur le compte La Poste cette année-là, avant d’en être retirée sur demande du client au bout de trois mois. D’après nos informations, sa rémunération a connu un boom très conséquent puisqu’elle a franchi sur cette période quatre grades sur la grille maison, passant de « GCM 4 » à « GCM 7 ». La progression de son salaire a même presque triplé depuis 2018, grimpant de 36 300 € brut à près de 99 800 € aujourd’hui, prime variable incluse. Or ce type de progression est très rarement constaté dans le groupe, en particulier pour les salariés exerçant un mandat syndical.
Basée à Toulouse et issue du groupe Bull racheté par Atos en mai 2014, Alia Iassamen, qui se destine à rejoindre Eviden, a par ailleurs bénéficié d’une formation à l’Ecole polytechnique financée par Atos. Elle a récemment obtenu deux certificats « Exed » (Executive Education), délivrés par l’organisme de formation professionnelle de l’école d’ingénieurs. L’un concerne la stratégie de la transformation numérique et l’autre la conduite de projet de sciences de données. Contactée par La Lettre A, la coordinatrice cédétiste n’a pas donné suite.
Des casseroles qui s’accumulent pour la CFDT
En matière de crises managériales, la CFDT a déjà un peu d’expérience. Cette organisation syndicale dominante depuis près de deux décennies chez Atos – dont le siège au conseil d’administration est occupé par Fares Louis – a vu son parcours entaché par différentes affaires. Une enquête menée il y a quatre ans par la direction éthique et conformité du groupe sur des cas de harcèlement au sein de l’organisation a laissé un goût amer en interne (LLA du 04/11/19) : elle avait accouché d’une souris, à savoir deux sanctions mineures pour deux des représentants CFDT mis en cause par la direction éthique, parmi lesquels Alia Iassamen.
Quelques années plus tôt, ce sont deux élus CFDT qui avaient pris de sérieuses libertés avec le budget du comité d’entreprise d’Atos Infogérance en piochant allégrement dans la caisse pour des dépenses personnelles. Amorcée en 2011, l’enquête judiciaire a fini par s’enliser au fil des ans et s’oriente désormais vers un non-lieu qui devrait être prononcé dans l’année (LLA du 18/01/23).
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